Implantation d’un vignoble: les travaux préparatoires débutent aujourd’hui
Un nombre croissant d’agriculteurs se lance dans la viticulture. D’une part, l’évolution de notre climat leur permet de produire des vins de qualité. D’autre part, l’essor de ce secteur suscite une certaine émulation, tant en Flandre qu’en Wallonie. Implanter un vignoble ne se fait toutefois pas à la légère et s’anticipe plusieurs saisons à l’avance. Ainsi, séances
de réflexion et travaux préparatoires précèdent l’implantation elle-même.

À la tête de la société VitiOenoTech, Thomas Heeren accompagne les néo-vignerons dans la mise en place de leur projet mais aussi une fois celui-ci sur les rails. Choix des cépages, étude du business plan, suivi de la plantation, gestion de la vigne et accompagnement à la vinification font partie des services qu’il propose. L’implantation d’un nouveau vignoble n’a donc pas, ou presque, de secret pour lui. Au point de nous livrer de précieux conseils !
Produire… mais aussi vendre
En premier lieu, il faut garder en tête que la vigne est mise en terre pour plusieurs dizaines d’années. « Cela implique de construire minutieusement son projet afin de faire les bons choix », insiste-t-il. C’est également une culture exigeante, qui requiert un suivi et un entretien réguliers. « Le vigneron doit faire preuve d’une grande implication, d’autant que le travail s’effectue pied par pied. » Et d’estimer la charge de travail annuelle à 100 à 150 h/ha. « On est donc bien loin d’une céréale… »
Une autre donnée à retenir est la production par hectare. Selon Thomas Heeren, 1 ha représente 5.000 plants, soit une production annuelle d’environ 5.000 bouteilles. Si l’étude de faisabilité doit se focaliser sur la plantation et l’entretien des vignes, elle doit également permettre de déterminer comment seront écoulées ces bouteilles. Car produire est une chose, mais vendre en est une autre… Et d’ajouter : « Si nécessaire, il ne faut pas hésiter à repousser le projet d’un an, afin de le démarrer dans les meilleures conditions possibles. »

Allier cépages et objectifs poursuivis
La suite des opérations se déroule sur le terrain et vise à déterminer la parcelle qui accueillera le projet. « L’objectif est d’identifier les terres en mesure de satisfaire les exigences de la vigne, tout en étant cohérent avec les attentes du futur viticulteur. À ce titre, on évite les parcelles ombragées ou situées en bordure de ruisseau ou dans un bas-fond. De même, on s’abstient de morceler un vaste bloc cultivé. »
Ce travail doit être consolidé par une analyse de sol, avec prise d’échantillons dans les horizons 0-30 cm et 30-60 cm. Celle-ci permet de s’assurer que la parcelle sélectionnée répondra aux besoins de la culture (pH, taux d’humus, teneur en éléments minéraux…) ou de corriger les paramètres qui doivent l’être avant la plantation.
Il ne suffit pas d’identifier la (ou les) bonne(s) parcelle(s). Le climat de la région (ensoleillement, pluviométrie, gel…) doit aussi convenir à la future plantation. « Globalement, le Sillon Sambre-et-Meuse, le Brabant et les plaines du Tournaisis se prêtent bien à la culture de la vigne », éclaire l’expert.
Une fois le choix de la parcelle validée, c’est une autre décision importante qu’il faut prendre : quels cépages implanter ? Ici, le conseil peut paraître étonnant : il ne faut pas sélectionner ceux-ci immédiatement, dès l’entame du projet, mais bien opter pour ceux qui correspondent le mieux aux attentes du néo-viticulteur. « Quel vin souhaite-t-on produire ? Rouge ou Blanc ? De quel type ? À combien s’élève l’objectif de production annuelle ? Répondre à ces questions permet de choisir les cépages convenant aux objectifs poursuivis », détaille-t-il.
Les cépages en question se déclinent en traditionnels (Chardonnay, Riesling, Pinot Noir…) ou interspécifiques (Muscaris, Johanniter, Solaris, Rondo…) ; ces derniers, fruits de croisements, montrent une résistance accrue aux maladies. « Les traditionnels requièrent davantage de traitements, surtout les années comme celle-ci. Le nombre d’interventions est nettement réduit, voire nul, pour les interspécifiques », détaille-t-il. Les cépages interspécifiques, cultivables en bio, présentent un autre avantage : ils contribuent à créer l’identité gustative du vignoble, par la production d’un vin différent de celui obtenu avec un cépage classique.
Pour finir, il convient d’opter pour le porte-greffe adéquat, selon le type de sol rencontré.
Une fois ce travail de réflexion achevé, place à la plantation. Thomas Heeren conseille de se tourner vers une conduite haute de la vigne (2 m). Pour se prémunir quelque peu du gel, permettre un enherbement cohérent de la parcelle et disposer d’un feuillage suffisant, jouant le rôle de « panneau solaire ». Un inter-rang de 1 m et un inter-ligne de 2 m sont également suggérés, pour faciliter le passage des machines.
Un travail minutieux du sol, après céréales et engrais vert
Après la réflexion, vient le temps des travaux préparatoires. Et ceux-ci s’entament dès maintenant ! « La vigne suivra idéalement une céréale, moins gourmande que d’autres cultures. Après la moisson, je recommande de semer un engrais vert. La préparation du sol suit en hiver, tandis que la plantation s’envisage entre le 15 avril et le 15 mai, pour éviter un démarrage trop rapide des pieds et réduire les risques liés au gel. » Pour chaque étape, on sera attentif aux fenêtres d’intervention, dont on sait qu’elles sont parois raccourcies. Les plants, eux, seront commandés six mois avant la mise en terre.
Le travail du sol à proprement parler se décompose en deux phases. Le décompactage, premièrement, permet d’aérer le sol et d’améliorer son profil structurel. Un passage à la herse rotative est réalisé, en deuxième étape, quelques jours avant la plantation afin d’affiner le sol. Le tout, sans oublier de corriger les paramètres physico-chimiques du sol qui le nécessitent, tel que déjà mentionné plus haut.
Enfin, arrive la dernière grande étape : la plantation. « Il est vivement conseillé de conserver les passeports phytosanitaires des pieds. » Les plants pourront être stockés à une température d’environ 5°C durant deux semaines sans aucun problème, si les conditions ne sont pas propices à leur mise en terre.
Entretenir la vigne, dès après la plantation
Plantation qui sera manuelle ou mécanique. « La première option est contraignante et n’est pas gage de suivi du plan cultural. La seconde, que je recommande, s’effectue à l’aide d’une planteuse équipée d’un GPS. De quoi respecter l’inter-rang et l’inter-ligne, mais aussi mettre en terre le pied et son tuteur. Le tout, avec une cadence de 1.000 plants par heure », poursuit Thomas Heeren. Si la vigne a été correctement plantée et a bénéficié des soins adéquats, le taux de reprise des pieds est évalué à 98 %.

Les jeunes vignes nécessitent, en effet, un suivi particulier dans les mois suivant la plantation. Celles-ci recevront un ou deux arrosage(s) s’il ne pleut pas durant deux à trois semaines et uniquement après avoir vérifié l’humidité du sol à la bêche. « L’arrosage ne doit pas être un réflexe. Il faut que la culture puisse assurer son développement racinaire en allant chercher l’eau en profondeur. Sans quoi, la parcelle ne sera pas résiliente aux cas de sécheresse. »
En parallèle, il faut veiller à l’entretien du sol, pour éviter la concurrence des adventices. « L’idéal est d’attendre un an avant d’enherber la parcelle, surtout lors des années sèches. Toujours dans le but de ne pas compromettre le développement de la culture », ajoute-t-il.

D’un point de vue phytosanitaire, les interventions ne sont pas systématiques la première année mais une surveillance s’avère nécessaire, notamment face au mildiou. « Cela dépend des cépages et des années. » La protection face aux lapins ou au gibier doit, quant à elle, s’envisager très rapidement. Si nécessaire, une clôture doit être posée.
Le vigneron doit encore veiller à sélectionner une pousse forte, retaillée à deux nœuds en hiver. Ainsi, la vigne gagnera en vigueur. « Conserver plusieurs pousses peut rendre celle-ci plus frêle. »
Un dernier travail est à effectuer avant la d’entamer la deuxième saison : la mise en place du palissage (piquets et câbles), permettant de canaliser la vigne et d’avoir une belle haie foliaire. Le travail de formation se poursuivra tout au long de cette deuxième saison, mais aussi de la troisième, avant d’entamer la production. Et c’est là une autre aventure qui s’ouvrira néo-vigneron !