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Limaces, je vous aime un peu, beaucoup, pas du tout!

Quelle coïncidence  : je venais de lire l’avertissement du Cepicop dans le Sillon du 12 septembre quand je reçois un livre de jardinage sur les limaces au potager et deux jours plus tard, un lien internet vers une étude d’André Chabert de l’Acta sur le même sujet («Les limaces: biologie, influence du milieu et prévisions des risques»), version agricole bien sûr.

Temps de lecture : 4 min

Comparaison n’est pas raison mais elle mérite le détour tant elle est spectaculaire et significative de l’écart entre deux mondes, celui de l’agriculture et celui de la permaculture. Ceci dit, les deux documents sont de qualité.

Pour le jardinage, le titre donne le ton : « Guide de la médiation ultime ou 8 solutions pour vivre en paix, voire élever vos limaces. »

Je connaissais les grises, les noires et les orangées, bref, celles qui donnent du souci. J’ai découvert qu’il y avait d’autres espèces beaucoup plus sympathiques. Il est vrai que leurs cousines qui portent une coquille sur le dos sont délicieuses. Vive les escargots !

Le livre explique très bien leur morphologie et leur mode de vie. Il admet que les pertes peuvent être élevées et que les amateurs doivent l’accepter. Pour les agriculteurs, c’est autre chose. Le marché des molluscicides en France est de 45 millions d’euros chaque année. Cela donne une idée du préjudice que ce ravageur peut causer.

Au niveau bénéfice pour les jardiniers, les limaces (les bonnes de préférence) digèrent la matière organique et les spores de champignons pathogènes. Leur mucus sert de colle aux agrégats de terre, ce qui améliore la structure du sol. Elles servent aussi de nourriture aux hérissons et aux grenouilles. Parfait . J’ai les deux chez moi et c’est vrai que j’ai eu très peu de dégâts cette année, pourtant très humide.

On y parle des plantes qu’elles n’aiment pas , comme le thym, la bourrache ou la phacélie, cet engrais vert idéal quand une parcelle se libère. Les jeunes plantules trop appétissantes méritent de l’attention : soit en les mettant d’abord en pépinière avant repiquage, soit en les protégeant très localement avec du phosphate de fer accepté en culture biologique.

Il faut simplement expliquer aux amateurs que s’il y a risque, il suffit de placer quelques granulés de phosphate de fer le soir en proximité des plantes sensibles et s’il sont là au matin, pas de soucis. Sinon recommencer chaque soir…avec de faibles quantités. Les limaces les absorbent et vont mourir plus loin. C’est vrai qu’on ne voit pas de traces bien baveuses comme celles laissées par l’action du métaldéhyde.

Le livre l’illustre avec des granulés peints en bleu alors qu’il est naturellement gris. C’est marrant de voir que le marketing de certaines firmes le mette ainsi en couleur pour imiter l’anti-limace chimique. Le livre demande d’ailleurs de ne pas outrepasser 8 la dose. C’est bien le moins quand la dose recommandée en phosphate de fer est déjà 40 x plus élevée en poids et au final, 20 x plus couteuse par unité de surface que son concurrent de référence.

Ce petit livre met honnêtement en garde l’amateur des bêtises à la mode dans ce registre : mettre du sel sur leur queue, la bière dans laquelle quelques-unes se noient et les autres sont alors prévenues, le vinaigre blanc qui acidifie…

Dans le Power Point professionnel, 133 pages, 773 enquêtes, 3.000 piégeages et plus de 250 essais « terrain », bref, du lourd scientifiquement, on rappelle que la pression de ce ravageur dépend de nombreux facteurs : le travail du sol, la matière organique en surface et le plus instable, la pluviosité.

Comme toujours, chaque paramètre impacte partiellement l’ensemble. Ainsi, le Cra-w avait démontré que la suppression bénéfique des glucosinolates dans le colza le rendait plus sensible aux limaces.

Toutes ces informations sont relayées chez nous par le Cepicop et les organismes de conseils sur le terrain.

Néanmoins, à ceux qui critiquent l’agriculture sans rien connaître, il serait sage de les mettre devant cette comparaison : pour le jardinier, un petit livre pour apprendre à relativiser ses pertes, pour les agriculteurs, une somme de connaissances et de décisions à prendre pour éviter de boire le bouillon.

JMP

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