Apprendre à devenir un as de l’insémination… tout en respectant l’animal!
L’insémination fait désormais partie intégrante du métier d’éleveur. Néanmoins, cet acte requiert une bonne dose… de connaissances pratiques, mais aussi théoriques ! C’est pourquoi, à Ath, la Province du Hainaut propose des formations destinées aux étudiants et aux agriculteurs. Des cours qui ont évolué au fil des années pour préparer au mieux les (futurs) professionnels à cette tâche, sans pour autant empiéter sur le bien-être des vaches.

C’est une journée placée sous le signe de l’ensilage à la ferme du Crepa-Carah. Tandis que les élèves de l’institut provincial d’enseignement secondaire sont bien occupés à la tâche, Christophe Hut nous rejoint. Il n’a pas plusieurs kilomètres à parcourir pour arriver sur son lieu de travail, puisqu’il habite dans une maison attenante à la ferme. En effet, même si nous nous trouvons dans un endroit à vocation pédagogique, ce site fonctionne comme une véritable exploitation agricole. Au quotidien, ce technicien agronome s’occupe d’une trentaine de vaches laitières en production, des Pie Noire.
Lorsque nous le rencontrons, l’une d’elles est justement en chaleur. C’est parti : Christophe Hut peut procéder à l’insémination de l’animal. Pour ce faire, il utilise une sonde équipée de caméras qui lui permettent de visualiser directement sur son téléphone le col de l’utérus de la vache. « Nous l’avons achetée l’année dernière à l’Association wallonne des éleveurs, et plusieurs agriculteurs l’ont déjà acquise. Grâce à cette sonde, il n’est plus nécessaire de passer par le rectum de l’animal. Le geste est donc moins intrusif. Cet appareil nous permet également de gagner en précision pour obtenir plus de réussites ».
Constituer une banque d’images grâce à la sonde
À terme, l’objectif du responsable de troupeau est de constituer une bibliothèque de photos. Ces images serviront lors des différentes formations, destinées aux éleveurs, mais aussi aux élèves de l’Ipes, dont une partie des cours est justement axée sur la reproduction. « Les formations sur l’insémination existent depuis plus de vingt ans », se remémore-t-il. Néanmoins, comme il l’explique, la manière d’enseigner a évolué au fil du temps. « Avant, les aspects pratiques s’opéraient sur des vaches destinées à l’abattoir. Cependant, aujourd’hui, avec les notions de bien-être animal, il n’est plus envisageable de demander à 20 élèves de s’entraîner sur un bovin… Par la suite, nous allions dans une ferme, accompagnés d’un vétérinaire, pour vérifier que nous ne faisions pas de fausse manœuvre. De nos jours, la tendance qui se dessine, avec les nouvelles technologies comme les caméras embarquées, est de donner davantage de cours théoriques, tout en visualisant comment est constituée une vache, grâce à la banque d’images. De cette manière, on peut apprendre efficacement, en utilisant le moins possible les bovins ».
Par ailleurs, outre la sonde, d’autres technologies à vocation pédagogique se sont développées. C’est notamment le cas d’un mannequin bovin permettant de se former à cette technique presque en conditions réelles. Le seul frein à son acquisition : son coût élevé.
La théorie ? Plus que nécessaire !
Notons que ces formations professionnelles se déroulent sur trois jours. Une journée théorique, une consacrée à la pratique, et la troisième où les apprenants se rendent dans un centre d’insémination pour en apprendre davantage sur la conception des doses et sur la génétique. « Le volet théorique est vraiment primordial. L’insémination, ce n’est pas juste mettre sa main dans la vache et y déposer une dose de semence. Certains pourraient le croire, néanmoins c’est bien plus complexe ! », indique Christophe Hut. Ainsi, l’observation du troupeau et la bonne préparation du matériel sont, notamment, des éléments essentiels si l’on veut mettre toutes les chances de son côté. « Il y a aussi la gestion des bêtes, comme l’alimentation. Par exemple, une vache trop grasse ou trop maigre sera moins féconde ».
Un autre aspect concerne, bien entendu, la détection des chaleurs. Comme dans d’autres fermes, les laitières du Crepa-Carah sont équipées de colliers Heatime achetés à l’Awé. Ces derniers analysent des données zootechniques et détectent les chaleurs ainsi que des problèmes éventuels, comme une maladie chez une bête. « Pour que cela fonctionne, il faut que le bovin porte le collier durant au moins un mois. Ce laps de temps permet au dispositif de bien connaître la vache afin de comparer son activité ».
De plus, ce centre pédagogique dispose d’un robot de traite qui fournit des données pour avertir quand l’animal est prêt à être inséminé. « Il existe plusieurs signes observables pour repérer les chaleurs. Néanmoins, le problème que l’on rencontre de plus en plus, concerne les chaleurs silencieuses, sans signe distinctif. Puis, 60 % des chaleurs se produisent durant la nuit. » À ce sujet, la règle enseignée aux apprenants est la suivante : si la bête est en chaleur le matin, elle devra être inséminée le soir, et vice versa. « Cependant, ce n’est pas une science exacte, tout comme la génétique. C’est aux agriculteurs de bien connaître leur troupeau », sourit-il.
Un manque d’inséminateurs professionnels
En effet, une fois ces connaissances clés en tête, c’est à l’éleveur de mettre tout cela en pratique sur ses propres animaux. « Il s’agit de l’un des actes les plus difficiles à réaliser techniquement », note à ce propos le vétérinaire de la ferme, Philippe Peerters, qui confirme que la majorité des agriculteurs effectuent l’insémination eux-mêmes. Cette autonomie leur permet, évidemment, d’être présents au moment le plus opportun. « Et il n’y a plus d’inséminateurs professionnels dans la région, et peu de vétérinaires se spécialisent dans ce domaine », constatent-ils de concert. « Notre ferme accueille chaque année des étudiants de l’ULB. Sur quinze, seulement deux se dirigeront peut-être vers les gros animaux… », complète le technicien agronome.
Néanmoins, certains étudiants de cette école provinciale ont décidé de reprendre le flambeau. C’est notamment le cas d’une ancienne élève, formée à l’insémination à Ath et auprès d’un vétérinaire. Devenue technicienne d’insémination, elle sillonne désormais les campagnes wallonnes pour mettre son savoir-faire au service des éleveurs qui ont décidé de lui accorder leur confiance.