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Immunité et vaccination: le duo gagnant pour protéger les animaux

Alors que 2024 a été marquée par la fièvre catarrhale ovine, 2025 risque, une nouvelle fois, d’être une année sous haute tension dans les étables. MHE, FCO3, FCO8… tous ces acronymes font désormais partie du quotidien des éleveurs qui en paient encore durement les conséquences. Dès lors, comment protéger au mieux les animaux face aux maladies ? Tous les experts s’accordent sur un fait : la vaccination est la clé. Toutefois, ce traitement ne sera véritablement efficace que sur des troupeaux en bonne santé. Léonard Théron, vétérinaire, explique les différentes pistes pour une protection optimale.

Temps de lecture : 6 min

Imaginez un arbre. Cette image, c’est celle donnée par le vétérinaire afin d’illustrer les éléments primordiaux pour l’immunité d’un bovin. La base solide équivaut au tronc : c’est sur lui que tout repose. En santé bovine, il s’agit de la santé du foie . « Elle porte l’ensemble. Si elle n’est pas correcte, le reste s’effondre », souligne Léonard Théron de Rumexperts. Rappelons que c’est dans cet organe que sont synthétisées les protéines du sang, comme l’albumine, essentielles aux animaux. Pourtant, sur 6.000 prises de sang effectuées tant en troupeaux laitiers qu’allaitants, 19 % révèlent des problèmes hépatiques !

« Sur le terrain, on peut réaliser des cures pour nettoyer le foie. Il est aussi possible de faire des prises de sang et vérifier s’il y a un problème ».

Pour poursuivre dans la métaphore, les branches de l’arbre représentent le squelette protéique . Ces protéines jouent un rôle fondamental, car elles transportent notamment le calcium, les oligoéléments et les vitamines. Sans elles, tout s’écroule également. « D’ailleurs, si la ration est déficitaire pour cet élément et que l’on donne des minéraux, on n’en tirera aucun bénéfice ».

À ce propos, toujours d’après les constats du spécialiste, une ferme sur deux n’apporte pas assez de protéines dans la nourriture. Par exemple, dans la ration d’une mère gestante Blanc Bleu Belge, si l’on souhaite atteindre de bons objectifs concernant le veau et la vache, il faut prévoir entre 13,5 et 14 % de protéines brutes, en privilégiant celles qui sont très digestes et de bonne qualité.

Ensuite, viennent les feuilles, c’est l’énergie . Là encore, si l’éleveur donne du maïs ou encore de la pulpe, cela n’apportera réellement un bénéfice que si les deux premiers éléments – le foie et les protéines – fonctionnent correctement.

Enfin, au sommet de l’arbre, se trouvent les fleurs, lesquelles symbolisent le métabolisme minéral . Ce niveau inclut des éléments comme le phosphore, le magnésium, les oligoéléments et les vitamines. Ces composants sont primordiaux pour maintenir l’équilibre métabolique, néanmoins leur efficacité dépend, une fois encore, de la bonne santé des fondations.

Tout commence durant la gestation…

Si pour garantir 100 % de l’efficacité vaccinale, il est essentiel de s’assurer que les animaux soient en parfaite santé, cet investissement impactera également les générations futures de la ferme. Et, comme l’a rappelé Léonard Théron, la construction de l’immunité du veau commence dès la gestation. « Je regarde toujours quatre aspects : d’abord, la nourriture des mères, puisque c’est dans l’ utérus que l’animal construit 40 à 50 % de ses défenses immunitaires. Cette construction aura un impact jusqu’à 70 jours après le vêlage. Ensuite, le colostrum à la naissance et l’alimentation lactée. Puis, les facteurs spécifiques à l’étable, comme la qualité de l’air, les gaz toxiques... ».

À la naissance, le veau est dépourvu de toute défense immunitaire, mais il peut acquérir cette protection dès son premier repas, grâce au colostrum . Ce liquide doit être ingéré dans les deux premières heures suivant le vêlage. « L’objectif est de passer les 120 g d’anticorps pour réussir la protection du veau. Pour un Blanc Bleu Belge, il faut compter 1,5 litre ».

Sur le plan pratique, pour maintenir une sonde colostrale propre, le spécialiste recommande de la conserver au réfrigérateur après le nettoyage.

Le sélénium pour augmenter le taux d’absorption du colostrum

Plusieurs éleveurs constatent également des épisodes de diarrhée et des problèmes respiratoires chez les bovins entre la troisième et la cinquième semaine de vie. Cela s’explique par un creux immunitaire : le veau n’a alors plus suffisamment d’anticorps transmis par sa mère et n’en a pas encore fabriqués assez lui-même. « Miser sur une bonne alimentation de la mère peut, dès lors, les protéger plus longtemps et durant cette période critique ».

De plus, seuls 60 % des anticorps contenus dans le colostrum sont absorbés par le jeune animal. Pour augmenter ce pourcentage, il est conseillé d’administrer une dose de sélénium. Cela peut permettre de faire passer ce taux d’absorption à 80 %. Ce dernier peut être ajouté directement au colostrum ou donné à la mère sous forme de sélénium organique. « En préparation au vêlage, il est recommandé que les femelles aient accès à du sélénium minéral pour leur propre protection et à du sélénium organique pour enrichir le colostrum ».

Enfin, lorsque vient la phase lactée , si l’on souhaite atteindre les performances d’un veau nourri au pis avec du lait en poudre, il est nécessaire de fournir 1 kg de poudre par jour. Sinon, la construction de l’immunité sera plus lente.

Bien vacciner : quand et comment ?

Après avoir pris bonne note de toutes ces recommandations, pour les éleveurs qui se sentent prêts à vacciner, ils peuvent, à présent, se charger de cette tâche pour les bêtes restant à l’étable. Pour celles destinées à l’export, par contre, c’est différent : seul le vétérinaire peut certifier que la vaccination a été réalisée.

Au niveau pratique, il faut éviter de réaliser ce chantier durant un événement stressant. Ainsi, pour la FCO8, il avait été démontré que l’impact du stress de regroupement était plus important que celui des vaccins en lui-même. « C’est pour cela que l’on déconseille de faire trop de chantiers de vaccination cet hiver. Il vaut mieux en réaliser un le même jour pour les différents vaccins ».

Concernant le pistolet de vaccination, il faut le nettoyer à l’eau tiède, sans détergeant ni alcool, et ensuite le stocker au frigo. Attention également : sur les vaccins FCO et MHE, la congélation est très problématique. Il est donc primordial de ne surtout pas les placer contre un bloc de glace.

Lorsque tous ces conseils ont été bien suivis, durant l’acte en lui-même, le vétérinaire rappelle de viser les ganglions.

Au niveau timing, l’idéal est, bien entendu, de réaliser ces traitements avant la reprise d’activité des culiocoides. Il faut également garder à l’esprit le laps de temps entre le chantier vaccinal et la mise en place des défenses de la bête, soit trois semaines après la première dose. « Toutefois, la quantité d’anticorps reste encore assez faible… La deuxième dose sert à monter ce taux et à les protéger sur une plus longue durée ».

Enfin, pour la langue bleue, il n’y a pas de contre-indication à croiser les vaccins. Par exemple, un éleveur qui aura utilisé une telle sorte au printemps, pourra utiliser l’autre type en 2025. Par ailleurs, si les animaux n’ont pas reçu de vaccin en 2024 et qu’ils ont été très atteints, l’expert conseille d’effectuer directement le rappel. « Toutefois, il faut rester vigilent : ce n’est pas parce que la maladie est entrée dans la ferme que d’office toutes les bêtes ont été immunisées ».

Autre conseil de Léonard Théron : faire une injection d’oligoéléments ou en ajouter dans l’alimentation est recommandé en amont de la vaccination. « Cela augmente d’environ 50 % la qua lité du traitement ».

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