La robotique en élevage, une solution pour sauvegarder une agriculture de type familial?

Au micro, à droite, André Sergent, président de l’Espace pour Demain, est de ceux qui pense que la robotique va transformer les métiers de l’éleveur et permettre de sauver une agriculture de type familial.
Au micro, à droite, André Sergent, président de l’Espace pour Demain, est de ceux qui pense que la robotique va transformer les métiers de l’éleveur et permettre de sauver une agriculture de type familial. - P-Y L.

André Sergeant, agriculteur en Bretagne, est président de la Chambre d'agriculture du Finistère, et a en charge le volet «recherches et développements» au niveau des chambres régionales de Bretagne.

Également responsable de l’Espace pour Demain, au Space, il revient sur la thématique de la robotique dans les principales filières d’élevage du bassin laitier français.

Réduire l’astreinte en élevage

S’il y a de nombreux pionniers en la matière, l’Espace pour Demain se donne pour mission d’amener le plus grand nombre à toucher, voir les innovations pour qu’il puisse peut-être un jour robotiser un ou plusieurs poste(s) dans son exploitation.

Cette année, la plateforme a voulu présenter des solutions, existantes ou à venir, pour faciliter le travail de l’éleveur au quotidien.

«Je suis de ceux qui pensent que notre agriculture dans son évolution future va énormément se robotiser.» Sans prétendre que cette technologie soit le seul modèle d’avenir, celle-ci risque bien de se faire une place grandissante dans bon nombre d’exploitations. La raison? «Nos exploitations agricoles continuent de grandir régulièrement alors qu’elles connaissent déjà aujourd'hui un gros problème de main d'œuvre.»

Il y voit essentiellement deux raisons: la pénibilité de certaines tâches et l’astreinte du métier.

«Ces deux raisons commencent à peser pour les exploitants qui vivent dans une société dans laquelle les citoyens aspirent au temps libre. Nous, agriculteurs, souhaitons rester connectés à cette même société, à ces mêmes aspirations. Voilà pourquoi les fermiers se tournent vers la robotique.»

Une attractivité pour les fermes

D’un point de vue de la transmission des exploitations, cette révolution technologique est un point très positif pour l'attractivité du métier

«En Bretagne, on a des exploitations familiales avec des capitaux familiaux. La robotisation va pouvoir défendre ces exploitations là. J'entends souvent ‘avec tes robots tu vas industrialiser l'agriculture..’ Pour moi c'est l'inverse! le robot va pouvoir soulager le travail dans le cadre d’une agriculture plus familiale. Voilà ce que l’Espace pour Demain défend.»

D'un point de vue éthique, le fait que la ferme soit au main d’une famille, a plus de sens que lorsque l'on parle d'une exploitations gérée par un groupe dont on ne sait d'où viennent les capitaux.

Pour M. Sergent, la robotisation n’est autre qu’une transformation des métiers de l’éleveur. «On aura toujours besoin de l’éleveur même s’il ne travaillera plus de la même façon».

Et de prendre l’exemple: Aujourd’hui, avec mon regard d'observateur sur les animaux, j'agis sur les animaux lorsqu’ils sont malades. Demain avec cette logique de robotique, c’est un ensemble de capteurs qui décèleront des problèmes à venir sur l'animal. Çela peut énormément soulager l'éleveur. car il va pouvoir intervenir préventivement, avec une médecine douce. Et du coup moins d'usage d'antibiotique! De plus en plus nombreux sont les exemples de capteurs qui permettent aux animaux de se mouvoir librement hors de l’exploitation et d’informer l’éleveur en cas de problème.

Une mine d’informations

Derrière cette robotisation se cache une mine d'informations, une masse de données qui arrive sur le portable, sur la tablette. Mais ces données vont-elles rester la propriété des éleveurs ou vont elles partir en dehors de nos exploitations, là où l'agriculteur n'en aura plus du tout la maîtrise? Il est clair que la profession doit être vigilante de manière à ce que les données restent en sa possession.

Ensuite, parmi ce flux d’infos, c'est à chaque éleveur d'utiliser celles qui lui paraissent pertinentes sur son exploitation. Il faut savoir en faire les synthèses.

On n'est bien sûr pas tous égaux devant la technologie et on peut bien sûr parler d'échec. «Tous les pionniers n'ont pas réussi a adopter la technologie. Si le robot peut faire le travail sans forcément avoir une présence humaine, il peut envoyer nombre d’alertes, ce qui peut occasionner un stress pour ceux qui ne sont pas prêts à cela. Un volet formation est essentiel pour accompagner l'éleveur dans sa démarche.» Il est clair que chaque génération fonctionne différemment et que les jeunes sont plus enclins à travailler avec les nouvelles technologies.

Vers des contrats de maintenance

Derrière toute cette robotique, il y a un volet bien évidemment social. «

M. Sergent: «J'entends souvent parler de «robot synonyme de casse sociale»... Pour moi, ce n’est pas le cas. Effectivement, avec un robot, l’exploitant aura moins besoin de main d'œuvre au quotidien pour mener l'action de production. A contrario, l'éleveur a besoin de services très compétents et très réactifs en maintenance. La technologie n'a pas le droit de tomber en panne!»

Il existe déjà aujourd'hui des services de maintenance disponible 7j/7,, 24h/24. C'est aussi une révolution en dehors de l'exploitation agricole . Ce sont des nouveaux métiers qui se greffent autour de l'agriculture.

«Il est clair que nous, éleveurs, n’allons plus pouvoir trouver des solutions avec notre marteau et notre tenaille en cas de pannes. On est davantage dépendant. Raison pour laquelle on parle de contrats de maintenance, de sorte qu’en début d'année l'éleveur sait qu’elle somme y sera allouée.

Un juste prix nécessaire

Mais bien plus que la maintenance, la robotique a un coût élevé. «C’est la raison pour laquelle à un moment donné les productions agricoles devront être valorisées à leur juste prix. Les agriculteurs pourront ainsi accéder à toute cette modernité. Si on n'est pas capable de le faire, le risque d’une dérive vers des exploitations géantes avec des coûts de production inférieurs aux nôtres existe.»

Et de conclure: «Si c'est un risque, ce n’est pas pour autant le robot qui pousse la dynamique dans cette voie.»

P-Y L.

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