Le canard, depuis 1998
Jusqu’en 1998, la ferme était en polyculture élevage sur une dizaine d’hectares. « Mon papa l’exploitait à titre complémentaire car elle n’était plus viable en tant que telle. Après mes études en agronomie à Ath, j’avais pourtant envie de valoriser ce patrimoine. C’est là, que nous nous sommes intéressés à l’élevage de canard, une activité qui s’accordait bien à la taille de notre exploitation ».
Curieux et plus motivé de rencontre en rencontre, Louis Legrand se lance dans l’aventure. « Tout était à faire car l’activité n’était pas encore développée et, comme dans toutes découvertes, nous avons eu de bonnes et moins bonnes surprises. L’élément qui nous a le plus confortés dans notre choix, c’est le fait de pouvoir maîtriser l’aspect commercial. Nous avons créé nos propres débouchés mais avec beaucoup de sécurité car nous les gérons directement. C’est très différent des relations commerciales avec la grande distribution. Nous échangeons en direct avec les particuliers, les épiceries ou la restauration ».
De 3 semaines à 4 mois
Les oiseaux élevés à la Ferme Louis Legrand sont des canards de Barbarie, des bêtes robustes qui se distinguent par une carcasse charnue et une viande de qualité. La souche choisie, le canard mulard résultant d’un croisement avec une cane de Pékin, a également la faculté de développer un excellent foie gras. « Nous n’élevons que des mâles. En effet, ceux-ci sont muets, ne volent pas et ont un indice de consommation plus élevé que les femelles qui sont plus dynamiques, chantent et apprécient l’évasion ». Les canetons intègrent l’élevage à l’âge de trois semaines. Ils passent d’abord quelques jours au chaud afin de prendre leurs marques et ont ensuite accès à un parc enherbé. « Nous accueillons des canetons toutes les deux semaines. Dans le même temps, les canards adultes quittent l’élevage afin d’avoir une production régulière. On pense souvent au canard au moment des fêtes mais les gens le consomment toute l’année et sous toutes les formes, dans les restaurants, en barbecue, dans des colis cadeau… ».
Les canards sont répartis en lot en fonction de leur âge et de leur morphologie. Durant 4 mois, ils sont logés et nourris. « C’est le temps qu’il faut pour en faire des athlètes. Ça peut paraître court mais à l’état sauvage, il ne leur faut pas plus de temps pour se développer et partir en migration. Durant cette période, on ne fait pas de l’engraissement, on les laisse tranquillement vivre leur vie. Au terme de ces 4 mois, on réalise un prégavage. Il s’agit simplement de préparer les oiseaux à l’engraissement, comme à l’état sauvage lorsqu’ils préparent leur migration et engrangent des réserves. Pour ce faire, nous ne pouvons pas jouer sur la luminosité, la température ou la longueur du jour, on réduit donc simplement l’accès à la nourriture à une heure ou deux sur la journée. Le canard se dit alors que toutes les conditions habituelles ne sont pas réunies et s’empiffre. Ce processus dure deux semaines et il développe un jabot, sorte de salle d’attente ou est entreposé la nourriture avant d’être digérée, ainsi que la capacité de stockage d’énergie au niveau de son foie. Pour finir, les canards seront gavés 2 fois par jour durant 13 jours. Le gavage est réalisé au maïs grain suivant la tradition et le respect de l’animal. Calme, douceur et expérience sont les éléments essentiels afin de réussir cet engraissement. ».
Les animaux sont ensuite abattus et plumés à l’extérieur pour un retour rapide sur l’exploitation où ils sont transformés en une large gamme de produits dans des ateliers adaptés.
Tout sous le même toit
L’élevage est installé dans un bâtiment suffisamment volumineux que pour accueillir toutes les matières premières nécessaires au confort et à l’alimentation. « Tout est sous le même toit, le stock de paille et la nourriture aussi. En cas de problème sanitaire, nous sommes parfaitement autonomes, sans allées et venues inutiles. De mêmes, les oiseaux ont tout l’espace nécessaire avec près de 4 m² par individu. Si on doit faire face à un confinement, ils ne se retrouvent pas l’un sur l’autre et il y a beaucoup moins de risque de bagarre et de concurrence. Je pense également que les problèmes sanitaires sont plus fréquents quand la concentration est plus importante ».
Une filière maîtrisée à préserver
L’exploitation est régulièrement contrôlée : « Nous avons la visite du vétérinaire d’exploitation au minimum une fois par mois. Nous sommes également plus largement contrôlés deux à trois fois par an avec des prises de sang et des analyses de fiente. L’hygiène des bâtiments est également suivie de près. Les animaux sont testés avant et après abattage. Le bien-être, la logistique, les conditions de transport, l’homogénéité des lots, rien n’est laissé au hasard ».
Et quand on demande à l’éleveur si l’on remet parfois en cause ses pratiques : « Parfois, mais nos portes sont toujours ouvertes. Il y a malheureusement beaucoup d’idées reçues. Je comprends que certaines images puissent choquer mais en Belgique, on travaille correctement avec des normes et des lois appliquées et respectées. Si on interdit la production de canard chez nous, on le ferra venir d’ailleurs car les gens n’arrêteront pas d’en manger. Par contre, on n’aura plus aucune maîtrise ni contrôle sur sa production. Il serait plus logique de réfléchir à l’inverse et d’encourager une filière que l’on connaît et maîtrise au lieu d’importer des produits étrangers. C’est bien de faire de l’éthique et heureusement que des gens défendent la cause animale car cela a fait évoluer beaucoup de choses mais, il faut savoir aussi faire preuve de bon sens : pour nourrir correctement les citoyens, on doit savoir ce que l’on met dans leur assiette ».
Pour les plus sceptiques, les JFO seront à nouveau l’occasion de découvrir l’envers du décor. « Durant ces deux jours, nous recevons pas mal de curieux mais également des visiteurs fidèles, présents chaque année. Le but est vraiment de découvrir une spéculation originale, de déguster des produits artisanaux et traditionnels et de passer bon moment dans un cadre campagnard et familial », conclut Louis Legrand.