« Je suis quasiment né dans la boucherie », annonce Hendrik Dierendonck qui a décidé très jeune, de reprendre le commerce familial, fondé en 1970 à Saint-Idesbald (Coxyde), pour s’inscrire dans les pas de son père Raymond « qui a toujours exercé son métier avec passion ».
Formation à Dixmude, travail à la boucherie familiale
Âgé de 47 ans, Hendrik est devenu la « star » d’un métier a priori très peu glamour.

Mais ce métier, il l’a dans la peau, il s’y est frotté dès son enfance, commençant à donner un coup de main à la boucherie en rentrant de l’école, à une époque où ses parents travaillaient près de trois mois sans le moindre jour de congé. « Sauf en hiver, où mon père avait pris l’habitude, à l’aube des années 80, de dégager du temps pour aller à la découverte de nouveaux produits avec, déjà en tête, l’idée de se diriger vers une boucherie d’exception ».
Pendant ce temps, Hendrik suit sa formation de boucher en semaine à Dixmude, travaille le week-end dans la boucherie familiale et fourbit ses armes durant l’hiver tout à tour à Gand, Bruges et enfin Bruxelles.
« Il faut avoir du respect pour l’animal, pour le travail de l’éleveur »

La Rouge des Flandres ressuscitée et repopularisée
« Tu ne vas quand même pas montrer de la viande ! »
Hendrik Dierendonck n’a pas peur d’aller à contre-courant de cette tendance, il affiche au contraire sa fierté pour un métier et un produit qu’il vit et le font vivre.
Une position qui contribue à sa notoriété puisque les médias commencent à s’intéresser à lui en 2008, suivis de près par le monde de l’HoReCa et de tout ce qui compte sur la planète de la gastronomie.

Il ouvre dans la foulée un second magasin à Nieuport, livre les plus grands chefs belges parmi lesquels Peter Goossens (Hof van Cleve), Sergio Herman (Le Pristine), David Martin (La Paix) et Christophe Hardiquest (Bon-Bon).
La renommée d’Hendrik a dépassé les frontières de sa Flandre natale. Elle s’est étendue à Bruxelles et à la Wallonie grâce à sa participation à « Culinaria », l’événement annuel dédié à la gastronomie belge où il fait la connaissance de Pierre Marcolini, « qui est devenu un véritable fan » sourit-il.
La philosophie « Nose to Tail »
Avec la multiplication des sollicitations, Hendrik commence à être à l’étroit dans ses murs. Il ouvrira en 2015 un grand atelier dans le zoning de Furnes où il effectue désormais toutes ses préparations. La même année, il fonde, à Saint-Idesbald, son restaurant « Carcasse » qui ne désemplit pas, surtout le week-end.
« Nous ne proposons ni frites, ni sauce au menu, seulement un florilège de viandes maturées (Rouge des Flandres, Holstein, Aubrac, Angus, Hereford, Simmental…) avec trois sortes de légumes, déroule Hendrik en précisant qu’il vend en boucherie de la viande issue de non moins de seize races différentes.
Le boucher-restaurateur est également l’un des fers de lance du « Nose
Son père n’en était d’ailleurs pas réellement adepte, même s’il pratiquait déjà la maturation dans les années 70, à une époque où ce concept n’était pas encore dans l’air du temps.
En hiver, se rappelle Hendrik, « il avait l’habitude d’abattre un animal toutes les trois semaines ». Comme les clients étaient rares, cela permettait à la viande d’avoir le temps de reposer et de s’attendrir.

« C’était le cours normal des choses, la viande restait là pendant deux semaines, parfois trois ».
Et de compléter que « cet apogée, le bon moment, le vrai boucher, l’artisan, il sait, il connaît. Alors il la sort du frigo, la prépare et peut en parler au client : d’où elle vient, comment elle a grandi, comment elle a été préparée ».
Manger moins de viande, mais de qualité
Accaparé par un tourbillon d’activités, Hendrik Dierendonck souhaiterait néanmoins revenir davantage sur le terrain « pour rendre visite à ses éleveurs, en découvrir de nouveaux ».
Il a su s’adapter à l’évolution des mœurs, aux nouvelles tendances sociétales. L’alimentation n’est plus la priorité absolue des citoyens tandis que la grande distribution « accroît la pression sur les fermiers ».
Il a compris, et c’est bien là son intelligence, que les bouchers et les agriculteurs doivent désormais travailler différemment.
« Il faut changer le système et investir, se diversifier, se spécialiser et proposer un produit « exceptionnel ».
Voilà sept ans, il se démarquait déjà en affirmant qu’il fallait manger moins de viande, mais de meilleure qualité. Une prise de position qui lui avait alors valu une volée de bois vert de la part de ses collègues bouchers mais aussi d’éleveurs et d’abattoirs.
Et pourtant. Il vit l’exigence de ses clients au quotidien. « Ils veulent connaître l’origine de l’animal, la façon dont il a été nourri, traité, abattu et questionnent mon travail ».
Hendrik se considère comme un artisan qui évolue dans un marché de niche où les prix sont logiquement plus élevés.
« Quand j’ai commencé dans la profession, on me disait que jamais je n’allais pouvoir vendre mes produits aussi chers, sauf que lorsque l’on est passionné, que l’on propose de la qualité, on rencontrera une clientèle qui les achètera parce qu’elle partage cette philosophie ».
Redonner leurs lettres de noblesse à la viande et au métier d’éleveur, de boucher, telle est la volonté d’Hendrik Dierendonck qui se considère comme un « ambassadeur » de sa profession. Entre tradition, ambition et modernité.