Bleu ou rose… ?

Bleu ou rose… ?

La vie en rose… oui, peut-être. Ce début de retraite de la vie d’agricultrice, c’est un peu ça. Pas à se soucier qu’il pleuve ou qu’il vente, notre (petite) pension arrive à la date prévue. Mais notre cœur reste à la culture et ce printemps exécrable ne nous met pas en joie.

Quoique, quoique… depuis peu, tous les matins, un magnifique spectacle bleu azure m’émerveille. Dès que le soleil veut briller sous mes fenêtres, le champ de lin de notre fils me ravit, m’enchante. Pareil à la « grande bleue », il ondule, roule, danse sous le vent, mais modeste, sans vague, comme pour ne pas importuner les papillons. Tout notre horizon reste pastel pour quelques heures.

Jadis, bien long et droit, il aurait fait la fierté de mon père. Enfant, je l’ai souvent observé mesurant à la main sa longueur entre racines et graines : huit mains, c’était bien. Arrachés, mis en bottes, les fermiers d’antan les mettaient en « chaînes » orientées pour bien sécher. On s’amusait dedans, imaginant de petites maisons primitives. Puis, il leur fallait reprendre les bottes, les charger, les décharger, les empiler avec adresse « tête contre tête » pour en faire un beau « rol » pour qu’elles sèchent encore quelques semaines. Pour finir, on les chargeait en camions. C’était un dur labeur dont ils avaient l’habitude. Banals à l’époque, ces champs couverts de bottes de lin droites jaunies par le soleil étaient magnifiques.

Trêve de nostalgie, voilà mon côté « fleur bleue » qui ressurgit. Aujourd’hui, on travaille le lin sous contrat et c’est bien. Mais la vie en rose… non, ils ont d’autres soucis nos jeunes.

Manou de Warneton

Misère et Pauvreté

« Vous n’allez jamais en vacance, quelle misère ! »

Au cours de ma carrière d’agriculteur, j’ai entendu maintes fois cette réflexion, compatissante mais excessive. Les gens s’expriment parfois avec des termes dont ils ignorent la véritable signification. Vivre dans la misère, c’est manquer de biens indispensables, au point d’en souffrir, voire d’en mourir. Les vacances rentreraient-elles maintenant dans une catégorie d’activités absolument nécessaires pour vivre ?

Apparemment, les agriculteurs vivraient dans la misère. Traditionnellement, un vieux cliché dit déjà d’eux qu’ils vivent pauvres et meurent riches. Si c’est vrai, il est un peu tard pour en profiter.

Le pauvre, contrairement au miséreux, ne souffre pas d’un manque grave ; il dispose tout juste de quoi vivre, et ne peut se payer du superflu. La pauvreté est drapée d’une certaine respectabilité ; c’était le lot de la toute grande majorité des gens de nos régions, avant les décennies d’abondance d’après-guerre. Le mot « paysan » était accolé fermement avec « pauvre » pour le qualifier.

Par la force des choses, nos aïeux vivaient pauvrement, ou plutôt frugalement. Ils ne connaissaient pas les joies ineffables apportées par tous les biens de consommation modernes : voiture, TV, GSM, ordinateur, chauffage central, eau courante, électricité, éclairage…, hypers-marchés, plats préparés, restaurant, cinéma, vacances ! Puisqu’ils ignoraient tous ces produits « miraculeux », ils ne ressentaient pas un manque. Ils étaient pauvres, mais pas du tout misérables, tant qu’ils mangeaient à leur faim et restaient en bonne santé.

Ils ne connaissaient pas la motorisation et cultivaient au pas du cheval, bêchaient la terre s’ils n’avaient pas de cheval et de charrue, prenaient la houe s’ils n’avaient pas de bêche, la faucille s’ils n’avaient pas de faux, et leurs mains s’ils n’avaient ni houe, ni faucille. Je vous le demande : étaient-ils plus pauvres que nous ? Absolument pas, puisque leur référentiel était d’une toute autre nature, beaucoup plus basique, plus élémentaire. Il aurait fallu leur expliquer ce que signifiait le mot « vacances », et une telle futilité les aurait fait bien rire.

Quand on y songe, toutes ces choses, inventées et créées pour nous sortir de la pauvreté, pour nous apporter le bien-être, ont fait de nous des gens encore plus pauvres, voire misérables (à ce qu’il paraît…). Le système capitaliste s’est emparé des pauvres pour travailler dans ses usines, venir acheter dans ses temples de la consommation, et leur donner chaque jour des envies nouvelles, des besoins inutiles qui les rendent souvent encore plus misérables.

Nos pays riches comptent autant de pauvres (dans leur tête) que les pays pauvres, autant de misérables aussi, même si notre misère à nous est subjective, mais bien réelle.

Quand j’étais petit, je ne me lassais jamais d’écouter l’histoire du forgeron Misère et de son chien Pauvreté. Tour à tour, le diable et le bon dieu venaient le tenter, et lui offraient toutes sortes de richesses, pour le sortir d’un état qu’ils jugeaient lamentable. Misère et Pauvreté se moquaient bien de tous ces cadeaux. Le forgeron avait plus d’un tour dans son sac, et s’amusait à mettre ses deux bienfaiteurs en compétition. Il ne voulait ni du Bien ni du Mal, ni de l’enfer, ni du paradis.

La morale de cette fable était toute simple : la pauvreté n’est pas l’enfer, la richesse n’est pas le paradis. Je la raconterai, la prochaine fois qu’on me parlera de vacances et de misère. En ce qui me concerne, je me paye le luxe inouï d’être toute l’année en congé, avec un métier en pleine nature, une profession aux multiples facettes, passionnantes et surprenantes.

Pourquoi partir en vacances ? Je me le demande…

Marc Assin

2016, année

mondiale de la BB

BB, non pas comme Brigitte Bardot mais comme Bouillie Bordelaise. Avec ce temps, nos pommes de terre, nos tomates et nos vignes ne savent plus à quel saint (de Sainte Phyto-Protection) se confier.

J’ai relu cette semaine les résultats des essais 2014 et 2015 du CRA-W sur les grandeurs et limites de la sainte bouillie bordelaise et de ses variantes à base de cuivre.

La conclusion confirme ce que les anciens avaient déjà démontré : un peu, surtout au début, est efficace. Tenir toute une saison quand il pleut tous les 2 jours est impossible, et de toute façon « hors la loi » puisque le législateur, dans sa grande sagesse, en limite l’abus.

Pour les agriculteurs… comment dire ? Conventionnels, traditionnels, raisonnés, écologiquement intensifs, il est possible de changer de munitions, avec des produits pénétrants ou systémiques agréés en bonne et due forme… donc avec une écotoxicité acceptable, aussi voire plus acceptable que le cuivre.

Mais pour ceux qui ont comme objectif de travailler le plus naturellement possible, avec label, pourquoi leur interdire de se sauver ?

Dans l’espèce humaine, quand on est malade, on se soigne. Ce n’est pas parce que l’on ne vote pas Ecolo qu’on se gave d’antibiotiques si ce n’est pas nécessaire. Et si on vote Ecolo, on ne se laissera pas mourir si un médicament moderne peut sauver la vie.

Pourquoi ce qui est possible chez les humains ne le serait pas pour les végétaux ? Pourquoi refuser un médicament « sécurisant » au profit d’un ancien, sous prétexte qu’il serait propre parce qu’il est vieux. C’est comme si on ne voulait voler en avion qu’avec des coucous d’avant-guerre.

Évidemment, il faut que les idées fassent leur chemin. Après 7000 ans d’agriculture « naturelle », fin du XIXe siècle, le mildiou a quand même fait 2 millions de morts en Europe (famines d’Irlande et de Silésie). C’est 40 X moins que les 2 dernières guerres mondiales, mais quand même !

On comprend que la bouillie bordelaise soit arrivée comme du pain béni. On comprend qu’il y ait eu des dérives par la suite : l’agriculture « trop » intensive.

On connaît la dialectique marxiste : thèse, antithèse, synthèse. Thèse : on va trop loin dans l’intensif. Antithèse : on retourne au naturel à n’importe quel prix. Synthèse : l’agriculture est devenue raisonnée, raisonnable, responsable, fiable et abordable.

Et si le Bio pouvait évoluer, lui aussi, et intégrer les bienfaits du modernisme quand ils sont positifs ?

Il n’y aurait plus qu’une agriculture, familiale et wallonne, de qualité, de proximité, de terroir.

Il resterait un problème : que vont faire ceux dont le métier est de surfer sur les peurs ? Ils ont besoin de l’agriculture comme l’éternel mouton noir sur lequel ils peuvent taper en jouant les chevaliers blancs à bon compte.

JMP

Nassonia,

pour et contre

On apprenait, il y a peu, la volonté de la Commune de Nassogne de conclure un bail emphytéotique avec la Pairi Daiza Foundation pour lancer le projet Nassonia qui prévoit l’aménagement de 1.538 hectares de forêt totalement dévolus à la biodiversité en Europe occidentale.

Le massif forestier concerné est actuellement géré de façon durable (intégralement certifié PEFC) et deviendrait une réserve intégrale dans laquelle, selon les informations recueillies par l’Union Régionales des Entreprises du Bois et la Fédération Nationale des Scieries, on supprimerait tous les résineux avant d’y abandonner toute gestion sylvicole. Existe-t-il encore une volonté de produire du bois en Région wallonne ? Les deux groupements y croient vu les récents échanges avec les politiques et les travaux en cours. Ils espèrent toutefois que les démarches en cours ne seront pas anéanties par des projets spécifiques ne prenant pas en compte l’ensemble des critères d’une gestion durable des forêts. Ils estiment par ailleurs que « Nassonia » va exactement à l’encontre de tout bon sens car il fait fi du rôle socio-économique de la forêt et qu’une telle initiative tend à leurrer le public car elle fait indirectement passer la filière bois comme un destructeur majeur de la forêt.

De son côté, Natagora considère ce projet comme une excellente nouvelle pour la biodiversité. Elle se réjouit d’entendre un investisseur vouloir consacrer plus d’espace pour la forêt naturelle en Wallonie mais elle s’étonne cependant des réactions de certains lobbys de chasse du pays. « Ces mêmes chasseurs sans doute qui ont mis fin aux négociations avec la commune, espérant revoir à la baisse les conditions de location du droit de chasse sur le massif forestier concerné ». « Nous attendons du ministre en charge de la nature et du tourisme, un signal fort pour une forêt durable. Il est temps que les politiques soutiennent la forêt et tous ses utilisateurs et ne soient pas pilotés par un lobby minoritaire. Nous sommes prêts à activer notre vaste réseau de sympathisants si une minorité en venait à bloquer un tel projet novateur ! », dit Philippe Funcken, directeur général de Natagora.

Le direct

Le direct