Ah, je sais, il est des vérités difficiles à entendre, et impossibles à admettre quand on s’est engagé dans la quête du Saint-Graal de l’alimentation biologique ! Mille excuses si j’ai par trop ébouriffé l’amour-propre de Nature & Progrès dans mon article consacré aux césariennes en race bovine Blanc-Bleu-Belge viandeuse…
Telle n’était point ma volonté. Je désirais simplement pointer du doigt un particularisme du cahier de charge de l’agriculture biologique, lequel exclut le recours systématique aux césariennes, et élimine dès lors de la course à l’échalote bio, le rameau viandeux de notre race nationale. Or donc, nonobstant et chacun en conviendra, le BBB peut très bien être nourri et soigné de manière bio, et son incomparable rendement en viande lui confère une empreinte écologique des plus intéressantes.
Une césarienne, je me répète, ne nécessite que 40 à 50 cc de pénicilline (un antibiotique efficace et léger), ainsi que 20 cc d’anesthésiant en injections locales. Pas de quoi imprégner la viande ni empoisonner qui que ce soit ! Correctement exécutée, par des patriciens qui en effectuent des centaines par année, l’opération est rapide et cause moins de douleur qu’un vêlage DIFFICILE par voie naturelle. Souvent, la vache continue à ruminer sans se tracasser pour ce qui lui arrive. Le veau vient au monde sans souffrance, sans stress, et démarre sans problème.
Bien entendu, lors des vêlages normaux en races rustiques ou laitières, les choses doivent se passer naturellement. Cependant, les génisses surtout peuvent éprouver quelques difficultés si le veau est trop gros, et si leur bassin est encore trop étroit. Le mieux est d’effectuer, vite fait, une césarienne et d’éviter mille souffrances à l’animal et à son jeune, sans oublier le stress et les efforts physiques de l’éleveur.
Je vous livre ici mon ressenti personnel, mais je conçois fort bien qu’il n’agrée point tout le monde. Ni le conventionnel, ni le bio n’est tout moche, ou tout beau. Chaque agriculteur développe son propre mode de travail, le mieux en adéquation avec son vécu, son ressenti, son terroir, le parcellaire de sa ferme, son âge, sa situation financière, sa sensibilité par rapport aux demandes sociétales ; en fonction des signaux économiques, des obligations légales, des normes sanitaires et environnementales.
Pour certains, la meilleure réponse sera de se lancer dans l’agriculture biologique, tandis que la plupart préféreront rester dans les rails du conventionnel. D’autres encore exploreront des pistes tout à fait originales, des cultures ou des élevages inédits (maraîchage, safran, autruches, visons, alpagas…). J’applaudis à quatre mains Madame de Liveau d’avoir gardé sa ligne de conduite et sélectionné un troupeau aussi bien équilibré.
Il n’est point de sot métier ; il n’est que des sottes gens pour vilipender leur voisin. Le B-BB viandeux a été sélectionné par des paysans soucieux de vivre de leur travail, parce que la race répondait aux demandes des boucheries. Aujourd’hui, la pratique systématique des césariennes leur ferme la porte du bio. Dont acte, mais je le déplore. Cependant, ne vous leurrez point : je respecte et j’admire bien trop les VRAIS agriculteurs bio pour leur jeter le moindre caillou.
À trois pas de chez nous, s’active une fermette
Dont s’occupaient Henri et sa femme Valérie.
Trois vaches et trois lopins leur gardaient l’âme verte
Autant que faire se peut, en toute modestie.
Les matins de saison, sur la route des champs,
Nous guettions le passage comme d’usage naguère,
De deux vaches attelées, tractant placidement
Le petit tombereau qui leur courait derrière.
Le cheval est pour eux hors du prix de leur peine
Il faut donc assumer, autrement les travaux.
C’est ainsi qu’ils ont fait, de leurs bêtes des reines
Leur mandant le collier, le lait en plus du veau.
En s’écartant ainsi du monde qui avance
Inexorablement, n’y voyant pas malice
Ils trouvent dans le rail, motif d’espérance
Pour s’épargner dès lors, de plus durs sacrifices
Comme en ces circonstances, la vie fut bien amère
Pour d’autres jeunes pousses, vouant à ce métier
Un amour déplacé pour ces choses à défaire
Ne voulant pas céder aux vagues du progrès.
En ces jours d’automne, je visite les champs fleuris, histoire de voir si mes chères abeilles domestiques sont de sortie.
Elles s’activent autour de la planche d’envol, dans les ruchers.
Premier champ, une terre de plusieurs ha de moutarde, la température est de 15 à 17ºC, le ciel est ensoleillé, sans nuages, du vent agite les inflorescences. Il est impossible de photographier les visiteurs des fleurs. Des mouches, des syrphes et enfin mes premières observations d’abeilles domestiques sur moutarde, il y en a une tous les dix mètres.
L’odeur est prenante. Ici donc, l’arrêté « moutarde » est de rigueur, pas d’herbicides sur les cultures en fleur. Les agriculteurs, en cette saison, me disent se contenter de faucher ou broyer.
Sur une autre terre, les phacélies sont en fleur, il y a trois abeilles domestiques par mètre carré.
Ailleurs, c’est la provende pour les insectes butineurs. Il s’agit d’un champ de tournesol mêlé de vesce ; les vesces grimpent sur les tiges. Les abeilles grouillent, il y a plusieurs abeilles domestiques par tournesol, il y en a moins sur les vesces, sans doute sont-elles trop ombragées par les tournesols… Ces cultures offrent aussi un intérêt esthétique incontestable.
N’oublions pas le Niger. Malgré les exigences de la culture à son démarrage, une année problématique (2007), très amplifiée par des rapports peu nuancés, a nui à ses potentialités pour plusieurs années. Dommage pour les abeilles domestiques et les papillons de jour prêts à hiverner.
Les cultures intermédiaires demeurent donc un atout pour pallier la mauvaise gestion des espaces adjacents durant l’automne, et notamment les fauchages trop hâtifs des talus, bords de routes, de champs… Elles permettent aux abeilles domestiques d’accumuler des réserves ou de finir l’élevage des couvains tardifs.
Cela permet aussi à nos abeilles de mieux résister à l’hiver, la famine demeurant un facteur d’affaiblissement des colonies, cette famine ne paraît pas être comblée par des compléments alimentaires.
Encore un petit complément, je vois retourner des moutardes de 10 cm de haut : c’est de l’argent perdu, du travail inutile pour l’agriculteur, rien pour les abeilles… Quant à la fixation de l’azote, elle est nulle, si tant est qu’il en demeure dans le sol. Ah, ces règles européennes appliquées à l’aveugle ! Nitrawal, ouvrez les yeux !