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Quand la laine de mouton se transforme en un feutre de paillage aux multiples atouts

Woolconcept, c’est une histoire de famille, mais aussi une diversification atypique, menée depuis le toit de la Belgique. C’est un projet dans lequel interviennent des agriculteurs, à la fois comme fournisseurs et clients de la société. Enfin, c’est la valorisation d’une laine de mouton 100 % belge, souvent délaissée, en plusieurs matériaux de construction, en paillage maraîcher ou encore en articles de literie.

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Installée à Sourbrodt, à quelques kilomètres seulement du Signal de Botrange, la famille Zanzen vit depuis 40 ans au rythme de la construction, de la rénovation et de l’entretien de toitures. Mais pas seulement… En 2006, la société, qui évoluait entre isolants, tuiles et autres ardoises, s’est également lancée dans la valorisation de la laine de mouton, un matériau biosourcé pouvant emprunter plusieurs directions dans le monde de la construction et, comme ils le découvriront quelques années plus tard, en agriculture.

« Paul, mon papa, et Marie-Ange, ma maman, ont fondé la société en 1985. Désireux d’utiliser des matériaux biosourcés, ils ont découvert les isolants à base de laine de mouton en Allemagne. Après avoir testé les produits, ils ont constaté que d’autres placeurs se montraient intéressés et les ont importés. Cependant, cela se faisait sans impact sur la filière belge… » se souvient William Zanzen qui, avec son frère Jérémy, s’occupe du pôle Woolconcept, entièrement dédié à la laine, tandis que Jordan, troisième membre de la fratrie, a lui aussi rejoint la société Zanzen et fils.

Active dans les travaux de toiture, la famille Zanzen  a d’abord mis  à profit les  caractéristiques isolantes de la laine de mouton.
Active dans les travaux de toiture, la famille Zanzen a d’abord mis à profit les caractéristiques isolantes de la laine de mouton. - Woolconcept

Désireux de valoriser un produit belge, Paul et Marie-Ange ont, petit à petit, tissé des liens avec différentes entreprises du secteur. Jusqu’à lancer leur propre filière, au milieu des années 2010. « Le premier produit à voir le jour était un isolant en vrac, vendu en ballot, et destiné à isoler les greniers, faux plafonds… » Il s’agissait alors de laine lavée et traitée, ne demandant aucune intervention spécifique. Il faut attendre 2019 et la rencontre d’un partenaire courtraisien pour que la gamme s’étende, avec l’apparition d’un panneau isolant semi-rigide (pour murs, plafonds, toitures et sols) et la mise au point d’un feutre acoustique (destiné à être placé sous les parquets).

De l’isolation… au maraîchage

Plus récemment, c’est la demande d’une cliente qui a poussé Jérémy et William à commercialiser un nouveau produit sous la marque Woolconcept. « Elle connaissait déjà notre feutre acoustique et se demandait si elle pouvait l’utiliser au jardin, car elle ne souhaitait pas installer un paillage synthétique. A priori, cela ne posait aucun problème. Ce que nos recherches ont confirmé, bien qu’aucune étude ne semblait disponible en la matière. »

Voyant l’opportunité de développer leur gamme, les deux frères mènent plusieurs essais, en termes de maillage et grammage. En parallèle, des expérimentations sont conduites chez un maraîcher, où travaille la compagne de William. Le but : confirmer la plus-value de la laine de mouton comme paillage.

« Nous avons déroulé le feutre sur les planches de culture, appliqué 3 cm de terreau et réalisé un semis de carotte. De quoi éliminer, ou du moins réduire fortement, le désherbage, tout en observant une croissance plus rapide de la culture », détaille William. Et d’ajouter : « Le défi était de trouver le maillage adéquat afin de contrôler les adventices sans nuire à la dégradation du paillage, permettant d’enrichir le milieu en azote ».

Aujourd’hui, le feutre de paillage est commercialisé sous le nom Terralan en rouleau de plusieurs dimensions et grammages, de 300 à 900 g/m², selon l’utilisation qui en est faite. Des cercles destinés aux plants individuels (pour les plantations forestières ou les plantes en pot, par exemple), sont également disponibles. « Le tout est agréé en agriculture biologique ! », vante encore l’entrepreneur.

En version circulaire, le Terralan convient parfaitement pour les plantes en pot.
En version circulaire, le Terralan convient parfaitement pour les plantes en pot. - Woolconcept

Se libérer d’une tâche contraignante

Pour les Zanzen, ce paillage d’un nouveau genre présente bien des avantages. Ainsi, il permet aux maraîchers de consacrer moins de temps au désherbage et d’allouer les heures ainsi récupérées à des tâches à valeur ajoutée. Il contribue également au bien-être mental des professionnels. Le désherbage peut, en effet, être une tâche psychologiquement pesante.

Quant à sa durée de vie, elle oscille de quelques semaines, pour la version la plus légère, à quelques années, pour la plus dense. « Les conditions météorologiques influencent ce paramètre. Après un épisode pluvieux, il faut que la laine ait l’opportunité de sécher pour se maintenir. Plus il fait sec, plus elle va durer dans le temps. Tout en conservant la fraîcheur et l’humidité du sol, au bénéfice de la culture. » Voilà donc un avantage supplémentaire que procure le Terralan, alors que les matériaux synthétiques ont plutôt tendance à entraîner une élévation des températures du sol.

Ces résultats ont d’ailleurs été confirmés par la Haute école Condorcet et le Carah, au cours d’expérimentations menées ces derniers mois, à Ath. « La vente a débuté voici trois ans et nous avons accumulé un certain nombre de retours positifs du terrain », enchaîne encore William, qui constate que le marché évolue progressivement vers une utilisation croissante de paillages écologiques.

Vers un paillage encore plus innovant ?

Actuellement, le Terralan est commercialisé par l’intermédiaire d’un réseau de revendeurs mais aussi par la société elle-même, pour les maraîchers et architectes paysagistes en charge de projet d’envergure. L’objectif est de professionnaliser davantage la vente. « Nous souhaitons identifier des grossistes et travailler avec eux. À condition qu’ils partagent notre philosophie, bien sûr. L’étude réalisée par le Carah devrait nous y aider. Nous espérons aussi développer la vente aux particuliers. »

De cette professionnalisation devrait découler une augmentation du volume des ventes, pouvant elle-même entraîner une baisse des prix, débutant à 1,50 €/m². « Notre produit est quelque peu plus coûteux qu’un géotextile, mais les bénéfices apportés à la terre et à la culture sont bien plus intéressants », nuance l’entrepreneur.

Dans les cartons, figure également la volonté de mettre au point un paillage d’un genre nouveau, totalement innovant. Il s’agirait d’un feutre « tout-en-un » qui, outre les caractéristiques actuelles, favoriserait davantage encore la croissance de la culture ou jouerait un rôle dans la lutte contre certains pathogènes. Si plusieurs partenaires sont actuellement autour de la table pour discuter du projet, la famille Zanzen ne peut en dire plus… Hormis le fait que la gamme Terralan est amenée à se développer dans les années à venir !

Jérémy Vandegoor

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