Les éleveurs de porcs finlandais toujours sur le fil du rasoir

Au mois d’août, Mika Vuorinen, engraisseur de porcs, a reçu 1,60 €/kg de carcasse. Le marché se redresse. À un certain moment, il a dû se contenter de moins de 1,40 €/kg de carcasse. Avant l’embargo russe, le prix était de 1,80 €/kg.

Comment Mika tient-il le coup dans un marché aussi volatil ? « Il n’y a qu’une solution ! », explique-t-il. « Pour passer les années difficiles, il faut trouver d’autres occupations. Personnellement, j’utilise mes machines agricoles pour récolter de la tourbe, et dans le domaine de la construction. L’élevage porcin reste cependant mon activité principale, aussi bien en temps qu’en revenu ».

Quatre générations d’éleveurs

Mika Vuorinen a 37 ans. Il représente la 4e génération, car sa famille occupe la ferme depuis 1914. Il l’a reprise en 2006, mais son père Pekka l’aide encore lors des pics de travail. C’est également le cas de son épouse Jaana, et de leurs trois enfants, Annika, Ville et Vilma, en fonction de leurs moyens.

Mika cultive au total 204 ha, dont la moitié en bail à ferme. Les céréales, orge et froment, occupent la majorité de l’assolement, et elles sont destinées à l’alimentation porcine. Le reste des cultures comprend le colza, l’avoine et le seigle, dont les récoltes sont vendues. Il a constitué une cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole) avec trois agriculteurs voisins pour limiter les frais de production. C’est particulièrement utile en Finlande où toutes les céréales doivent être séchées dès la récolte.

Des contrats de livraison de 6 mois

L’autoproduction est le seul moyen de faire diminuer les coûts de l’alimentation. Mika Vuorinen est d’ailleurs autonome à 92 %, ce qu’il achète étant constitué de vitamines, de minéraux et de compléments alimentaires. Le soja intervient très peu dans la composition des rations, puisqu’on emploie plutôt la drèche, sous-produit de la fabrication de la vodka. Tout cela est acheté chez Atria (voir encadré ci-contre) qui calcule également les rations.

L’entreprise Atria achète les porcs gras. Hanna Kasari, responsable commerciale chez Atria : « Nous fonctionnons selon des contrats de 6 mois, majoritairement reconduits. Nous sommes une entreprise spécialisée dans le secteur de la viande, mais nous travaillons pour les éleveurs. Cela peut ressembler à du langage commercial, mais il faut savoir que trois coopératives agricoles se partagent la propriété de 80 % de l’entreprise. »

Hanna Kasari poursuit : « L’implication d’Atria va bien plus loin que l’achat et la vente. Nous aidons les éleveurs de porcs au niveau de l’exploitation. Nous nous chargeons des transports d’animaux, nous avons introduit des projets pour plus de 10 millions d’euros auprès de l’Union européenne, nous donnons des cours de gestion dans notre « Bacon Academy », nous avons réalisé un système comparatif (benchmark) pour nos éleveurs. De cette façon, ils voient où ils en sont par rapport aux autres producteurs… Nous sommes également actifs dans la sélection, les services financiers et la recherche. Nous disposons de deux exploitations pilotes. »

Chez Mika, les porcs proviennent de trois exploitations de naissage. Les truies sont issues d’un croisement entre le Landrace et le Yorkshire, dans un objectif de fertilité et de bon instinct maternel. Le croisement terminal est réalisé avec des verrats Duroc, pour le potentiel de croissance. Atria s’implique dans la sélection, elle possède l’entreprise Finnpig avec une autre société active dans le secteur de la viande. Au total, les Finlandais produisent 190.000 tonnes de viande porcine par an.

Les porcs finlandais grossissent vite

Mika engraisse environ 6.500 porcs par an. En 2016, les porcelets sont arrivés chez lui à un poids moyen de 31,8 kg. Ils sont engraissés durant 89 jours et sont abattus à un poids moyen de 121 kg, ce qui procure des carcasses pesant en moyenne 90,3 kg. Le pourcentage de viande maigre est de 59,4 %.

À titre comparatif, en Belgique, les porcelets arrivent plus tôt (vers 22 kg), ils sont engraissés plus longtemps (± 125 jours), et ils ont un pourcentage plus élevé de viande maigre (de préférence au-delà de 62 %), d’après les indications de la KHK (Haute École de Campine) en 2012.

En 2016, le gain quotidien moyen (GQM) a été de 1.007 g. Mika est dans la moyenne des producteurs qui livrent à Atria. En 2015, le GQM des producteurs d’Atria était de 998 g. C’est mieux que les Danois (984 g) ou les Américains (817 g), et nettement supérieur aux prestations belges (678 g).

Chez Mika, l’ingestion moyenne était de 2,81 kg par jour en 2016, ce qui donne un indice de conversion de 2,79. À titre comparatif, les Belges misent sur un indice de conversion de 2,75, selon le KHK.

Infrastructure automatisée

Mika prépare lui-même les mélanges pour ses animaux, à partir de ses productions et de ses intrants extérieurs. Il réalise trois mélanges différents en fonction de l’âge des animaux. L’alimentation des animaux est complètement automatisée sous forme de soupe. L’installation provient de Pellon Group (voir encadré ci-contre). Dans les porcheries, Mika et Jaana ont investi dans un échangeur de chaleur, également de Pellon Group. Celui-ci extrait la chaleur du lisier frais et la renvoie vers l’eau à travers un système de tuyaux. Une pompe à chaleur la récupère et augmente la température de l’eau du chauffage au sol et dans les tuyaux au niveau des murs. Avantage complémentaire : le lisier refroidi se décompose moins, ce qui est mieux pour la qualité d’épandage et pour les gaz à effet de serre.

Rétablissement ?

L’élevage porcin finlandais se concentre principalement dans le sud-ouest du pays, c’est-à-dire dans la région où on peut cultiver le plus facilement les céréales. Toutefois, comme le pays est étendu, des aides étaient prévues pour maintenir de l’élevage porcin dans le nord également, mais celles-ci ont dû être abandonnées car elles étaient en contradiction avec la législation européenne. En 2014, la peste porcine africaine a fait son apparition en Pologne et en Lituanie, puis en Lettonie et en Estonie. La Russie en a profité pour fermer ses frontières aux viandes porcines européennes, donc aussi aux produits finlandais, même si on s’accorde pour dire que la décision russe a davantage à voir avec les événements qui se sont déroulés en Ukraine. Le prix des porcs s’est alors écroulé. Aujourd’hui, même si le prix s’est raffermi, les détenteurs de porcs finlandais continuent leurs activités complémentaires.

Atria

Atria, entreprise du secteur de la viande, a été fondée au début du XXe siècle. Aujourd’hui, elle est active en Scandinavie, Russie et Estonie. Elle représente un quart du marché de la viande en Finlande.

•  Du local avant tout

Atria Finland veille à n’avoir que de la viande de Finlande dans ses produits. Elle conclut des contrats avec plus de 6.000 détenteurs d’animaux, et achète quasi la moitié des viandes bovines et porcines du pays. L’entreprise est également active en aviculture et dans le secteur laitier.

•  Traçabilité

Dans les produits porcins d’Atria, la viande provient de 350 porcheries finlandaises. L’entreprise insiste sur la traçabilité. « Chaque morceau de viande dans nos préparations est connu : nous pouvons dire de quelle ferme il provient, voire de quel porc, et ce que ce porc a mangé. », explique Hanna Kasari, responsable commerciale.

•  Intégration verticale

Atria ne se limite pas à l’achat de la viande. L’entreprise vend des aliments, accompagne les exploitants dans leur gestion, et s’intéresse à la recherche. « Les éleveurs peuvent acheter leurs aliments où ils le veulent. Mais la plupart viennent chez nous, d’abord parce que nous appartenons majoritairement aux agriculteurs, mais aussi parce qu’il est important pour eux d’inclure de la protéine finlandaise dans leur ration. »

•  Exportation

Au début 2017, Atria a réussi à faire entrer la viande porcine finlandaise dans le marché chinois, après des négociations compliquées qui ont traîné sur 10 années. Ils espèrent y exporter 3 millions de kilos dès cette année.

Pellon Group

« Pellon Group a été fondé en 1966 par trois frères qui détenaient des porcs dans la région de Takala, au centre de la Finlande. Aujourd’hui, les deuxième et troisième générations sont aux commandes de la société », explique Harri Muilu, responsable commercial de l’entreprise. Il présente les idées qui animaient les trois frères.

•  Miser sur l’automatisation

Ils recherchaient surtout les moyens de faciliter la gestion de la ferme. Aujourd’hui, les systèmes d’alimentation automatique des animaux et les systèmes d’évacuation du lisier sont toujours les produits de base de l’entreprise, pas seulement pour les porcs mais également pour les autres types d’élevage. « Pour nous, c’est la voie vers les gains de productivité, la baisse des coûts, l’amélioration du bien-être animal… »

•  Une nécessaire expertise

L’entreprise collabore de longue date avec les instituts de recherche et les universités. Les systèmes sont généralement modulables, pour réaliser facilement des installations sur mesure. « Nos produits demandent une certaine expérience. Nos concessionnaires sont souvent des entreprises spécialisées et de petite taille ». Dans le Benelux, Pellon est représenté par SAC Nederland.

•  Traitement du lisier

En 2014, la foire Eurotier a attribué la médaille de l’innovation au Manure Master, un système d’évacuation du lisier. Une autre innovation est le Bio Sampo, une installation qui sépare le lisier porcin en une fraction pauvre en phosphore et une fraction riche en phosphore.

Chez Mika Vuorinen, l’alimentation liquide automatisée et le chauffage par échangeur de chaleur et pompe à chaleur proviennent de Pellon Group. « Avec un tel système, on récupère la chaleur du lisier et on diminue les émissions. Cela devrait faciliter les permis. », suggère Harri Muilu.

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