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Adapter la fertilisation aux spécificités de la culture maraîchère

Les fermiers en diversification vers le maraîchage sont amenés à gérer la fertilisation de leurs parcelles en tenant compte de la mixité des productions. Ce seront les besoins des espèces cultivées qui feront la différence avec les grandes cultures. Par ailleurs, les objectifs et les moyens mis en œuvre diffèrent aussi de ceux destinés aux jardins potagers dont il fut question dans le précédent Sillon Belge.

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De manière générale, les cultures maraîchères se distinguent des grandes cultures traditionnelles de notre région par la durée et la saison de l’occupation du sol, la profondeur de l’enracinement sans oublier le poids de matière sèche exportée par unité de surface.

De plus, les cultures sous abri, comme les serres, présentent des situations particulières qui impliquent une autre approche de la fertilisation.

Pour les petites fermes, l’exiguïté des surfaces de chaque lot (une variété à une date de plantation) amène le maraîcher à fertiliser sa parcelle de manière plus ou moins uniforme, se réservant ultérieurement des modifications locales.

Connaître son sol grâce aux analyses

Les analyses de sol peuvent être réalisées dans les laboratoires du réseau Requasud. Elles permettent de situer le pH, le niveau de richesse en éléments minéraux et la teneur en matières organiques. Il est important de prélever un échantillon par zone apparemment homogène de la parcelle. Le laboratoire peut indiquer le nombre de prises nécessaires pour chaque lot.

Ensuite, il faudra interpréter ces résultats. Par rapport aux grandes cultures, cette opération demande un soin particulier. D’une part les logiciels d’aide à la décision utilisés par ces laboratoires ne sont pas nécessairement adaptés à la production spécifique d’une ferme maraîchère. D’autre part, le niveau de la fertilisation conseillée est une chose, mais la façon de l’appliquer en est une autre. Il ne faut donc pas hésiter à consulter les agronomes des laboratoires afin d’obtenir des conseils personnalisés.

La durée et la saison de l’occupation des parcelles

Bon nombre de cultures maraîchères occupent le sol lors d’une courte période de végétation. Les radis ne resteront en place que quelques semaines, par exemple. Les chicorées frisées ou scaroles, les laitues n’occuperont la parcelle qu’un tiers de la période de culture de chez nous. En revanche, plusieurs cultures successives sont possibles sur la même sole lors de la même année. Les apports fertilisants peuvent donc assez facilement être répétés et ajustés durant la saison, en tenant compte des possibilités de minéralisation des matières organiques lorsque le sol est assez réchauffé (plus de 12°C) et bien humidifié (précipitations, irrigation, paillage).

Une même plante, comme le radis, peut recevoir une fertilisation légère au début et en fin d’année, et ne pas en avoir besoin lorsque la minéralisation est intense, de mi-mai à septembre.

Pour chaque production, les fiches de conseils indiquent les besoins généraux, néanmoins la fertilisation elle-même doit être interprétée au cas par cas.

Lorsque les disponibilités le permettent, une fumure organique à base d’engrais de ferme peut répondre à une large part des besoins, en conventionnel et en bio.

La profondeur de l’enracinement

De nombreuses cultures maraîchères développent un enracinement peu profond. C’est le cas, par exemple, pour la carotte ou le haricot, qui explorent efficacement quelques 60 ou 30 cm de profondeur de sol. Citons également les plantes à enracinement pivotant mais dont le pivot est brisé lors de la transplantation de la pépinière au champ, comme les laitues.

Nous retrouvons ainsi des cultures pour lesquelles nous tenons compte d’une profondeur explorée efficacement d’une trentaine de centimètres : céleri, échalote, laitue, oignon, radis. D’autres explorent près de 60 cm : chou-fleur et brocoli, choux pommés, courgette, haricot. Pour certains légumes, tels que le panais ou les courges, nous retenons les disponibilités sur 90 cm de profondeur pour l’interprétation des analyses d’azote dans le profil.

En conséquence, les fertilisations sous forme organiques ont bien leur place en maraîchage, les apports minéraux, en particulier pour l‘azote et le soufre, seront fractionnés pour éviter les pertes par lessivage.

Le poids de matière sèche exporté

Les exportations minérales sont globalement plus faibles que celles que nous pouvons constater pour les grandes cultures qui occupent le sol de nombreux mois. Une culture de poireaux d’automne, par exemple, dont la récolte de 60 t/ha dose jusque 12 % de matière sèche, exporte 7 t de matière sèche. En comparaison avec une céréale (grain et paille), une betterave ou un maïs, c’est peu. En termes de quantité de minéraux exportés, ce sera l’ordre de 180 kg d’azote, dont une part importante provient de la minéralisation des matières organiques du sol, de l’ordre de 60 kg de P2O5, de 240 kg de K2O, de 24 kg de MgO et de 25 à 30 kg de soufre.

Dès lors, si les rendements en produit commercialisable peuvent être importants, les exportations ramenées en tonnes de matières sèches par hectares ne sont pas élevées. Enfin, les choux pommés sont parmi les plus grands exportateurs de matières sèches et donc de minéraux en plein air.

Le cas particulier des cultures sous abri

Sous serres, la fertilisation sera influencée par la production globalement plus importante en matière sèche, ce qui entraîne des exportations plus élevées en éléments minéraux. C’est dû à la période plus longue de production, au potentiel supérieur grâce au gain thermique, aux cultures palissées (tomates, concombres, melons…) qui produisent plus par unité de surface, à l’irrigation soutenue.

D’autre part, la protection de la pluie limite le lessivage des éléments solubles et les pertes.

Mais, en particulier sous serre tunnel, la salinité peut perturber l’état de fertilité du sol, allant jusqu’à des intoxications de la plante. Nous y reviendrons dans un prochain article.

Les exportations de matières fraîches et de matières sèches sont importantes pour les cultures sous abris. Mais les pertes par lessivage sont plus limitées et la minéralisation des matières organiques du sol est potentiellement élevée. Il faut en tenir compte dans son calcul de fumure.
Les exportations de matières fraîches et de matières sèches sont importantes pour les cultures sous abris. Mais les pertes par lessivage sont plus limitées et la minéralisation des matières organiques du sol est potentiellement élevée. Il faut en tenir compte dans son calcul de fumure. - F.

 

Les autres éléments à prendre en considération…

La fertilité d’un sol peut être estimée selon plusieurs regards, selon les propriétés analysées : physique, chimique et biologique.

La fertilité physique est appréciée par la porosité, la structure et la texture. Le travail du sol, le drainage et l’irrigation sont particulièrement importants pour les cultures maraîchères, vu le temps limité pour le développement de la masse racinaire. La culture sur ados permet également de s’affranchir partiellement d’un drainage un peu limite de la parcelle.

Pour une zone destinée au maraîchage, avant tout autre apport fertilisant, c’est la structure du sol et la maîtrise de l’eau qui seront réglées en priorité.

La correction du pH est la seconde mesure mise en œuvre pour améliorer la fertilité du sol. Dans nos conditions wallonnes, le pH a généralement tendance à descendre sous l’action des pluies emmenant les bases solubles par le lessivage. Les corrections se feront par amendements calcaires, calcaro magnésiens ou sulfo-calcaro magnésiens, guidés par l’interprétation de l’analyse de sol.

Le soufre occupe aussi une place non négligeable. D’une part les crucifères et les alliacées en ont besoin pour leur développement et pour épanouir les goûts et arômes typiques. D’autre part, l’enracinement de ces cultures est peu profond et n’exploite pas le soufre lessivé plus bas dans le profil. Les fertilisants apportés à faible profondeur compenseront les besoins.

La rotation avec des cultures à enracinement profond (céréales, par exemple) et en incluant des Cipan (Cultures intercalaires piégeant l’azote nitrique) permet la mobilisation des éléments solubles captés en profondeur par les racines de ces plantes pour constituer la charpente végétale développée en surface. Ces éléments minéraux seront libérés lors de leur décomposition et la minéralisation, les années suivantes, pour être de nouveau disponibles pour les cultures maraîchères.

Les oignons ont des besoins directement en lien avec le type de culture et la variété. C'est le rendement  potentiel qui guidera l'estimation. Or, celui-ci varie du simple au triple, selon le type de production adaptée à son marché.
Les oignons ont des besoins directement en lien avec le type de culture et la variété. C'est le rendement potentiel qui guidera l'estimation. Or, celui-ci varie du simple au triple, selon le type de production adaptée à son marché. - F.

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