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« Humus », un roman dans l’air du temps

Temps de lecture : 3 min

Une âme bienveillante m’a passé un livre romanesque au titre très « terre à terre » : « Humus ». Je découvre qu’un intellectuel parisien, Gaspard Koenig, a trempé sa plume dans les matières organiques et s’est invité au pays des vers de terre. Il est couronné par trois prix littéraires en 2023, a déjà vendu plus de 100.000 exemplaires et se voit traduit dans toutes les langues. Un succès planétaire ! Il faut dire que le sauvetage de la planète est évoqué toutes les trois pages.

Il nous parle d’agriculture à la mode des médias d’aujourd’hui, avec deux super-héros sortis d’Agro-Paris-Tech. Immersion dans le monde étudiant d’abord, avec un pied dans la nostalgie du XIXe siècle pour l’agriculture et l’autre bien dans le XXe siècle pour la libération des mœurs.

Les deux amis se passionnent pour les vers de terre. Ils construisent chacun un projet en sollicitant les lombrics mais s’orientent dans deux directions différentes : retour à la nature à la mode bobo d’un côté, start-up high-tech avec business-plan pour l’autre. Leurs chemins se séparent… Le premier a hérité d’une petite ferme en Normandie, sollicite les aides d’insertion sociale et tire le diable par la queue. Il se radicalise dans l’activisme à connotation « Extension-Rébellion ». Le second s’inscrit dans la sphère économique, côtoie la haute finance où l’illusion du pognon est la dorsale du développement. Et tous les deux se plantent.

Au fond, c’est assez touchant, surtout quand on n’a pas d’argent à perdre, en étant lecteur plutôt qu’acteur. Il faut saluer le travail de l’auteur pour se documenter sur les sols et la pédologie. Il a découvert la nature dans une maison de campagne en Normandie pendant la crise du Covid. Il a lu, compris, intégré l’excellent ouvrage de Marc-André Selosse « L’origine du monde, une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent ».

L’auteur, Gaspard Koenig, se définit comme « agrophilosophe » ou « écologiste libéral ». Il aurait voulu se présenter à la présidentielle française mais n’a pas obtenu les 500 signatures pour poser sa candidature. Dans son roman, il illustre très bien la manière avec laquelle pas mal de citadins regardent l’agriculture. Il caricature gentiment leurs comportements et pousse les dérives jusqu’à leur paroxysme.

On est loin de l’écologie, cette science qui étudie les interactions entre les organismes vivants dans leur environnement. Les agriculteurs savent de quoi il retourne quand ils se posent 1.000 questions au quotidien : quelle variété convient le mieux, quand la semer, à quelle profondeur, à quel écartement ? Et mon sol ? Quand et comment l’aborder pour respecter sa structure, contient-il tout ce dont la culture a besoin ? Et la météo ? Et les parasites ? Jusqu’où la non-protection des plantes en danger ? En fait, les agriculteurs font de l’écologie pratique en permanence quand d’autres s’en servent comme idéologisme.

On voudrait suggérer à l’auteur d’aller maintenant à la rencontre de tous les agriculteurs. Il a d’ailleurs une grande conviction à partager : le rejet de l’excès de réglementations qui pénalisent ceux qui travaillent pour nourrir tout le monde le mieux possible.

C’est un livre très actuel. Il faut dire qu’on est perplexe devant l’évolution du monde avec le retour aux nationalismes à l’extrême-droite et la récupération de l’écologie à l’extrême gauche. En fait, ce roman renvoie à ce que disait déjà Voltaire au siècle des Lumières : « Ceux qui peuvent vous faire croire à des absurdités, peuvent vous faire commettre des atrocités. »

JMP

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