L’importance de respecter le sol et de savoir patienter en prévision de l’année prochaine
Les cultures maraîchères sont très sensibles aux défauts du sol. Il est donc important d’orienter les travaux aratoires pour assurer aux plantes le meilleur développement possible des racines. Si les quelques jours de cette première décade de mai, moins pluvieux, ont permis de les réaliser, dans de nombreuses régions, les sols sont à peine ressuyés. La terre s’y travaille très mal, reste compacte et froide. Sur ces sites et chaque fois que c’est possible, il est préférable d’attendre avant d’intervenir au risque de dégrader la structure pour de nombreux mois.

Le maraîcher a peu de liberté dans le choix de ses parcelles, car la ferme maraîchère est déjà établie, et les nouveaux agriculteurs s’installent où les opportunités se présentent.
Avec ces limites, le maraîcher sera amené à orienter ses choix de culture. En sols secs et excessivement drainant, les légumes exigeants en eau et surtout ceux qui sont sensibles aux déficits hydriques, seront plus difficiles à conduire. En sols lourds, les légumes racines seront compliqués à récolter et à décrotter en automne-hiver.
Le site de cartographie de la Région wallonne apporte une foule de renseignements précieux à cet égard (WalOnMap). Ces informations sur la nature du sol sont des critères déterminants dans le choix (limité) de la parcelle. Pour affiner ces connaissances, un examen de profil de sol réalisé sur place est précieux. Les laboratoires du réseau Requasud peuvent donner les coordonnées de personnes compétentes afin de le réaliser. C’est surtout important pour ceux qui ne connaissent pas encore bien leur terrain. Avec l’expérience, chacun de nous perçoit les différences d’une parcelle à l’autre et les zones sensibles au sein de chacune d’elles.
Bien organiser son travail pour valoriser au mieux le potentiel
Le manque d’aération du sol induit des altérations de la disponibilité d’éléments minéraux, ce sont des carences induites par défauts structurels et non par le manque absolu des éléments concernés.
Étant donné la nature du sol, nous devons organiser son travail afin de valoriser au mieux son potentiel. L’asphyxie (manque d’aération et d’oxygène) et le tassement (lié à la compaction) sont deux défauts que son aménagement pourra réduire. C’est un des points que nous devons éviter et ne pas travailler avant qu’il ne soit bien ressuyé.
La semelle de labour ou de pseudo-labour est provoquée par des travaux réalisés avec des engins trop lourds en conditions trop humides. Le sol se tasse, l’air est expulsé de l’endroit tassé, une zone imperméable ou peu perméable à l’eau, à l’air, au passage des racines est créée.
Les récoltes d’automne et d’hiver ont été fortement perturbées par les conditions extrêmement pluvieuses. Des zones n’ont pas pu être récoltées et les résidus de cultures vont devoir être digérés par la flore et la faune du sol. Les champignons décomposeurs comme Sclerotinia ou Rhizoctonia spp. vont se développer. Ils seront particulièrement présents lors des années prochaines et il faudra en tenir compte en allongeant la rotation des espèces sensibles. C’est d’autant plus important que ces secteurs non récoltés sont souvent aussi ceux qui se ressuient le moins bien.
Actuellement : ne pas se contenter d’une observation superficielle
Pour l’instant, les plants à repiquer souffrent d’attendre et nous avons des obligations de respect de dates planifiées pour les futures livraisons. Néanmoins, les parcelles disponibles ne sont pas nécessairement celles que nous espérions en tenant compte de la rotation théorique.
Lorsque c’est possible, essayons de changer les plans d’assolement pour parer au plus pressé.
Le respect de la structure lors des travaux de printemps est prioritaire. C’est encore plus important en cultures maraîchères qu’en grandes cultures.
Un des dangers est de se contenter de l’observation superficielle du sol pour décider des interventions. Nous devons absolument nous munir d’une bêche et apprécier son état en différents endroits représentatifs. L’emploi d’outils animés comme les fraises ou les herses rotatives doit être raisonné de cette façon.
Nous avions d’ailleurs abordé ces différents points dans Le Sillon Belge du 2 mai.
En fin d’année, les engrais verts pour améliorer la structure
Il faut déjà s’interroger déjà sur la façon d’améliorer la structure. Combinés aux apports de fumiers et de compost, les engrais verts sont une bonne solution sous réserve d’adapter les pratiques culturales à la texture du sol.
Le choix des outils de travail doit être mûri par les objectifs que l’on souhaite atteindre. En cultures maraîchères, les résidus après récolte sont parfois importants en masse (après les choux par exemple). Ces résidus seront mieux valorisés par le sol s’ils sont incorporés sur une faible profondeur. Les récoltes se déroulent parfois en conditions très humides, mais ce sont les calendriers de livraison et l’état de maturité technologique des cultures qui imposent les rythmes de travail. Il faut pouvoir décompacter le sol jusqu’à la profondeur « matraquée » Et surtout, choisissons nos moments pour l’aménager : il n’est pas question d’une date ou d’une période dans l’année. En Belgique, les pluies tombent en moyenne pluriannuelle avec la même intensité chaque mois. Ce sont les variations annuelles qui déterminent les bons moments d’intervention : ni trop sec ni trop humide à la profondeur travaillée. Pour les petites fermes maraîchères, le recours à l’entreprise agricole est la solution.
La fumure minérale est utilisée en complément, voire en correctif, de la fumure organique et des amendements, et non l’inverse. La nature de celle-ci varie en fonction des spécifications des cahiers des charges, qu’ils soient biologiques ou non.
C’est vrai en grandes cultures, c’est encore plus le cas en cultures maraîchères : il est difficile de faire coïncider la disponibilité des minéraux, notamment l’azote, avec les besoins des cultures en place.
En plein air, la minéralisation, dans l’attente du réchauffement printanier du sol, prend du retard, en comparaison avec les besoins des cultures de mars à juin. Elle est ralentie quand la température du sol est faible, l’hiver et au début du printemps. C’est également le cas si le manque d’humidité du terrain freine l’activité biologique.
Sous serre maraîchère, la température et l’humidité sont propices à une forte minéralisation dès le printemps, le manque de disponibilité en eau en été la freine au détriment des cultures en place.
Dans cette rubrique du Sillon Belge, nous avons souvent évoqué l’importance des engrais verts pour la fertilité des parcelles, tant via la vie dans le sol et le recyclage des éléments en cours de lessivage que par la maîtrise de l’enherbement dans la période séparant la récolte d’une culture et l’implantation de la suivante.
À l’avenir : la question de la rotation
La fertilité des sols rime aussi avec une bonne rotation des cultures
Lors de l’installation de parcelles maraîchères sur des champs occupés pendant de longues années par des grandes cultures et des cultures fourragères temporaires, la question du respect de la rotation ne se pose pas vraiment. Ce ne sera qu’après quelques années que se présentent les augmentations de risques liés aux maladies et ravageurs. Au fil du temps également, une rotation basée sur des cultures d’été amène une sélection d’espèces végétales qui peuvent dominer la flore et compliquer la maîtrise de l’enherbement. Par contre, dès la première année, l’exploration superficielle du profil du sol par les racines des cultures peut augmenter le risque de lessivages des éléments minéraux les plus solubles, d’où l’importance des engrais verts ou des CIPAN,
Pour résoudre la question de la rotation, nous devons partir des cultures effectivement produites dans la ferme et les faire se succéder en tenant compte des critères ci-dessus. Les rotations-types reprises dans les livres de maraîchage sont des exemples mais sont rarement adaptées in extenso à notre propre situation.
De plus, cette fertilité dépend de l’environnement et notamment des haies et des parcelles voisines.